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Le centre de bilan à fait ses 20 ans : ça se fête !

Lors des 20 ans du centre de bilan du CFPPA des Pays d’Aude, nos conseillères et un bon nombre de leurs bénéficiaires se sont retrouvés autour de tables rondes thématiques, de récits de vie. L’un des temps forts de cette après-midi fut la conférence donnée par Dominique SINNER
Puisant dans son parcours riche de diversité, entre philosophie, sport et pratiques sociales, Dominique Sinner a présenté lors de sa conférence, les croisements entre les mutations professionnelles et les trajectoires individuelles.  Ses propos entrent en résonance avec les activités d’accompagnement et de formation du centre de bilan.

Plus qu’un changement, les évolutions que nous vivons sont un bouleversement multiple et drastique qui touche l’ensemble de la société et de nos vies au quotidien. La facilité des déplacements modifie notre relation à l’espace, le numérique nous positionne à la fois ici et ailleurs, dans un espace-temps s’affranchissant des amplitudes horaires et de la géographie. Notre rapport au temps s’inscrit également dans une programmation-planification au risque d’exclure les surprises et d’amoindrir notre créativité. La généralisation des algorithmes renforce les processus de préconisation, dessinant une fracture entre les individus enfermés dans des présupposés goûts et opinions. L’arrivée du numérique marque une nouvelle ère où les changements se constatent aussi dans notre rapport au travail. Elle se mêle à la dimension écologique, aux préoccupations environnementales influant sur les métiers.

La métaphore du surf illustre ces évolutions. Sport de glisse, il s’exempte d’un terrain délimité. La stabilité vient de l’intérieur avec une adaptation constante à un espace en mouvement permanent. Les surfeurs pratiquent en bande, dans des collectifs mouvants solidaires et intergénérationnels. Aujourd’hui, les individus sont confrontés à un choix draconien entre subir les choses ou se mettre en mouvement. Mais, comment s’inscrire dans un mouvement ? Qu’est ce qu’un processus de changement ? L’un et l’autre nécessitent de l’élan, de l’engagement. Cependant, contrairement aux idées reçues, les freins et les contraintes ne les empêchent pas. Les freins sont des indicateurs qui permettent de ralentir pour voir des obstacles. Ils sont contributifs de la conduite du changement. Il faut alors apprendre à écouter de façon singulière ce frein là, voir les inquiétudes comme l’opportunité de modifier un regard, un comportement, un processus. L’accompagnement sert à identifier comment en tant qu’individu on est touché par ces mutations et dégager une trame dans laquelle on peut travailler.

Comme dans le surf, l’élan individuel se produit au dans un mouvement collectif. Qu’est ce qui fait communauté, qu’est ce qui va être mis en partage ? Comme les surfeurs, les collectifs sont mouvants autour d’un projet. Comme un surfeur, nous apprenons à vivre dans un espace en mouvement permanent où les seules choses dont nous sommes sûrs sont nos incertitudes. Le processus dynamique d’individuation est nécessaire avec la conscience de l’évolution permanente de ce que l’on est. Il est contraire à celui des algorithmes. La singularité est composée de capacités, de limites mais aussi d’une autonomie nourrie par des interdépendances, de liens créés pour aller chercher l’aide nécessaire. La reconnaître, reconnaître que chacun a son propre rôle, est bénéfique pour un collectif dynamique et dynamisant. Le processus de coopération est structurant, permet de faire du lien de façon éthique. Dans cette constante construction, les compétences deviennent rapidement obsolètes au profit des méta-compétences. On s’appuie alors sur les expériences antérieures grâce à une prise de recul, des pas de côté, un décalage qui permettent de comprendre le « comment je fais pour faire ce que je sais faire, pour apprendre, pour prendre des décisions ». Là aussi, le processus est dynamique dans un mouvement incessant.

Avec l’obsolescence des compétences, la performance prend un nouveau sens. Il ne suffit plus d’être bon dans son activité professionnelle, il faut également veiller à une amélioration constante et être perspicace. Pour être performant, la récupération, le ressourcement, la mise à distance sont nécessaires, un effet de ralentissement pour ne pas être entraîné dans un mouvement hors de contrôle et de compréhension.  L’épuisement professionnel montre qu’il n’y a pas de prise en compte du ressourcement pourtant nécessaire à la performance. Les dynamiques de changement sont de trois types. Elles peuvent être structurantes à la façon d’une danse dans un enchaînement créatif, en équilibre sous l’effet de secousses, de perturbations majeurs ponctuelles ou comme un défi dans la succession de coups du sort.  L’accompagnement est un moyen de donner du sens à chaque événement, à chaque histoire, à la façon dont le changement est perçu et vécu.

Pour Dominique Sinner, envisager sereinement les mutations dans nos trajectoires individuelles réclame de la perspicacité sur soi, de la curiosité et une certaine acuité. Il nous faut penser les événements plutôt que de les subir. La nécessité d’agir ne doit pas soumettre notre pensée ou notre imagination. Et pour réussir tout cela, pourquoi ne pas avoir en tête que nul ne peut être tenu à l’impossible et que nul ne peut être tenu au possible.